Il est de longues gorge
dans lesquelles l’on descend en rappel
à la chair – en tenant serrée la ceinture
de la taille à l’aine.
En creusant l’abîme je cherche
à déterminer l’endroit - le point d’encordement
d’où naissent les gouffres qui trouent
les cavités du corps.
Faire corps avec la grotte implique un savoir :
Saisir les outils, en poing maîtrisé
Ouvrir grand pour accéder à la salive
qui coule le long des parois
En cela risquer la fièvre,
la cueillir et l’avaler
tomber dans le sans-fond
précipitant la tête avant le reste du corps.
Au chaud de la terre
le cœur bat et disperse
le souffle d’un vent humide
À se contaminer de gestes molles
marqués au fer
blanc d’un moire
En cela la moiteur du soufre
Fait gonfler la poitrine en rythme :
Fait partager le manque d’air :
respirer en grande bouffées le dioxyde
pour entrer par les lèvres dans le fond des muqueuses.
Pour prévenir les frémissements
La langue s’échauffe et susurre
Enfin, sur la voie balisée,
elle dévale – en son déroulement
Qu’apparaisse la phrase sans mot
Aux sonorités sinueuses
Qu’ondulent tous les muscles en une palpitation
au goût de cuir et de velours
lorsque l’on passe sur les dents
Gorges et gouffres
dessinent au creux des reins
des paysages profonds
que la chaleur embrasse
sous le soleil crème
De cette couleur à celle-là
- le rose de la muqueuse
un filet d’eau dans son lit
et, au loin, sur la cuisse,
l’écrin de la rivière.
La main fait des allers-retours sur les parois, caresse les monts, se pique sur les stalagmites.
Pétrit la brèche ouverte sous la voute d’ogive.
Les nervures sont les sillons plis creusés sous la peau.
La spéléologie n’est pas la science, mais l’étude du dehors comme du dedans. Elle prend en compte l’entropie : apprécie le désordre/l’admet à sa table et se moque d’elle. Les mouvements de fond, en des flux fugitifs, trace les contours de la grotte à la mine de plomb.
La spéléologie est une activité physique nécessite corps poumons souffle cœur sang qui coule vite reins qui s’agitent dans un milieu hostile sombre humide
Se frayer un chemin dans les boyaux ramper dans les chatières tendre les bras pour atteindre les exsurgences éviter les fissures tomber dans les fosses porter un casque jouer avec la cordelle et tenir, tenir fort la main du guide.
Surgit enfin
la substance : en soi, la coulée laiteuse
opalescente sous le puits de lumière
Un silence puis un râle
agite le sismographe
Puis, en un soubresaut
une vague âpre acide et douce
coule le long des commissures
à l’embouchure du gouffre
de près et de loin
prendre soin des plaisirs articulés
panser les brûlures encore fraîches
prendre le recul sur la fumée des cendres
Le dépôt a séché sur les strates
Il a laissé le calcaire en poudre sur l’épiderme
rêche - celui qui pèle au toucher
Il a laissé l’odeur fétide dans laquelle je replonge
pour déterminer – encore
la profondeur de la grotte
et mesurer tes mains à l’empreinte qu’elles ont laissé sur mon corps.
© Paul Charmes
Quatre Mains
Co-autrice Laëtitia L'Heureux, préface de Tess Mazuet (collectif Boucan)
2025
extrait
Édition, 14,8x10,5 cm, 29 pages
30 exemplaires numérotés
Impression toner noir et blanc sur papier Clairefontaine Ingres 130gr
Four hands
Co-writer Laëtitia L'Heureux, foreword by Tess Mazuet (Boucan collective)
2025
extract
Edition,14,8x10,5 cm, 29 pages
30 numbered copies
Black and white toner print on Clairefontaine Ingres 130gr paper
Sofia Lautrec © 2024